Ce petit film expérimental, mal taillé, pratiquement désagrégé, fut tourné en grande partie dans la périphérie de Glasgow, intégralement en vidéo et presque intégralement sans dialogues... Il en résulte un objet punk élégamment nommé Chernozem, au Noir et Blanc goudronneux, bouillonnant, à la musique indus obsédante et au montage frénétique : un objet présenté comme un amas de matières chaotique tout droit inspiré du cacophonique Testuo de Tsukamoto, un son et image à l'atmosphère métallique prenant la forme d'un conte post-apocalyptique perdu dans un incessant brouhaha...

L'image vidéo est - contre toute attente - superbe en raison du travail énorme effectué sur la lumière, les cadrages et la texture visuelle. Fauchée mais magnifique l'esthétique de Chernozem forme un maelström décadent s'imprimant inéluctablement dans notre inconscient cinéphile : on pense aux déformations anguleuses et aux ombres démesurées du cinéma expressionniste allemand, à la violence extrême des créations vitriolées, rongées de Andrey Iskanov ou encore au climat très inconfortable du génial Eraserhead de David Lynch. Poème trash habité par des personnages souvent proches du symbole voire de l'allégorie Chernozem est une formidable leçon de projection scopique, éventuel enfant mal aimé du talentueux Judd Brucke. A exhumer d'urgence !