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Peppermint Candy - Film (1999)

Peppermint Candy - Film (1999)

Peppermint Candy - Film (1999)

Film de Lee Chang-dong Drame 2 h 09 min 14 octobre 1999

Par un bel après-midi de printemps, quelques amis pique-niquent pour célébrer leurs retrouvailles. Yongho, un invité inattendu dont ils étaient sans nouvelles depuis des années, fait alors son apparition. Mais celui-ci se comporte de manière étrange et paraît complètement déphasé.
Il fuit le groupe et court vers des rails situés sur un pont adjacent. Un train arrive. Yongho ne bouge pas... Sa vie relatée en flash backs nous permet de comprendre les raisons de son geste.

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Peppermint Candy adopte une structure narrative visiblement très à la mode dans le courant des années 90, celle du récit en sens inverse. Il s'agit donc de raconter, à rebours, l'histoire d'un suicidé. Qu'à cela ne tienne la structure en reste pourtant conventionnelle. Le chapitrage est net et précis, bien que isolés dans le temps les divers segments se font régulièrement écho, bref, le but n'est pas de perdre le spectateur, bien au contraire. Le film donne en premier lieu l'impression de se déployer ainsi pour répondre à une question : le « pourquoi ? » relatif à l'image introductive, celle où l'on voit un homme se donner la mort. Ce qui trouble, dans cette violente porte d'entrée, c'est le désespoir du personnage, un désespoir si profond et insoluble qu'il se serait transformé en folie, en « rage de vivre », comme si tout son corps était investi d'un douloureux poison et que seul une mort sèche et rapide pouvait l'en soulager.

Une telle structure narrative ne pouvant être vue autrement que comme une fouille mémorielle, on joue aux explorateurs, en pensant pouvoir comprendre, expliquer. Mais le réalisateur nous a dupé dès son premier plan. Ce tunnel noir ponctué d'une lumière blanche, censé être le symbole de la remontée d'une descente aux enfers dans le bon sens (du bas vers le haut, de la fin vers le début), semblait annonciateur d'une trajectoire verticale, proposant aux spectateurs non seulement des explications sur sa mort mais aussi un retour vers l'innocence, vers cet endroit lointain dans le temps, chéri par tous, où l'on pensait être heureux ou en tout cas pouvoir le devenir.

Fausse piste : rien n'est plus rectiligne et uniforme que ce film. Et c'est en cela plus que dans sa structure narrative qu'il sort des sentiers battus. Il n'y a pas de descente aux enfers, d'explications qui se développent. Dans chacune des époques de la vie du personnage on le découvre torturé, en proie permanente à des accès de rage ou de tristesse incontrôlables, en inadéquation totale avec les gens qui l'entourent et plus largement avec le monde. C'est d'ailleurs dans sa manière d'isoler le personnage dans des séquences de groupes, de l'en détacher et de l'y confronter, que la mise en scène s'exprime le plus brillamment. Il y a toujours ces mouvements pour passer sans coupes du plan de demi ensemble au gros plan, opposant dans le même plan le personnage aux personnes qui sont au début dans le champ avec lui et finissent par en être exclues (ou alors c'est lui qui s'exclut du champ en sortant du cadre).

Cette inadéquation est aussi marquée par la profondeur de champ (barrière entre le protagoniste à l'avant-plan et les autres personnages à l'arrière-plan) ou par le son hors champ (en général des sons joyeux qui ne peuvent pas pénétrer l'univers noirci du personnage). Tout se joue sur l'éloignement attristé ou le rapprochement brutal. Cela se retrouve aussi dans des scènes plus intimes, par exemple lorsqu'il surprend sa femme et son amant dans une chambre, avec si mes souvenirs sont bons une caméra fixe, légèrement en plongée, filmant avec désemparement les mouvements circulaires du personnage qui passe de sa femme à l'amant de celle-ci dans une danse violente et maladroite, avec deux allers-retours champ/hors champ de la femme.

Il n'y a pas de changements de ton, de retour progressif vers une heureuse innocence. On voit le personnage rajeunir mais rien ne change jamais. Il y a toujours cette rage, cette violence, cette incompréhension, et il y a aussi toujours des trains qui passent à l'arrière-plan, leur « tchouk tchouk » emportant le mal-être du personnage jusqu'à sa destination finale, celle qui a ouvert le film. Et ces femmes qui gravitent autour de lui, pures, aimantes mais déroutées et indirectement victimes de son mal-être. La plus touchante restant peut-être l'inconnue faisant semblant d'être une autre pour le contenter, et dont le dernier plan qui lui sera accordé (l'un des plus beaux du film) l'isolera sur une plage, à attendre la venue d'un homme qui s'en est déjà retourné à son malheur. Ou encore son premier amour, qui s'efface dans un très long travelling arrière après une visite avortée. Pas d'ange salvatrice : y compris l'amour des femmes s'avère impuissant devant un tel malheur.

Et alors que l'on pense que le cinéaste tire un trait sur tout ce qu'il a déployé durant le film, ayant pendant dix minutes l'impression qu'il vient nous donner une explication (tout est construit pour nous donner cette impression là, surtout le lieu), on se rend compte par la suite qu'il nous a de nouveau dupé, et que cette séquence finale qu'on s'est soudain mis à considérer antithétique avec la première, est en fait strictement similaire : l'isolement du personnage, les larmes et le retour de l'abominable « tchouk tchouk ». À cela près que le silence attristé ne s'est pas encore transformé en bruit rageur – vingt années assureront cette transformation. Le film se termine sur un gros plan qui a fait pour ma part office d'ascenseur émotionnel tant je me suis laissé duper par la fausse explication antérieure. Il se conclut donc sur le plus simple des plans, révélant (de nouveau) ce qu'est le film depuis le début : une image arrêtée sur le mal-être irraisonné d'un homme, presque sur la terrible tragédie qui peut être celle d'être né, rien d'autre.

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