Anthony Weiner est un "congressman" dynamique et acharné doté d'une aisance indéniable pour la synthèse orale et la confrontation d'opinons lui profilant un avenir radieux en politique. Mais en 2011, il fait l'erreur de sexter publiquement ses protubérances calçonneuses en se trompant de touche sur Twitter, créant un scandale de tabloïd qui le pousse à la démission.

Nous assistons dans ce documentaire à une tentative de comeback acharnée de Weiner, tel Rocky Balboa, dans la course à la mairie de New-York deux ans plus tard en 2013. Dans cette quête d'une nouvelle identité politique, Weiner a la bonne idée, dans le but avoué de briser la nouvelle image qui lui colle à la peau, de se faire suivre au quotidien par une poignée de caméras. Une aubaine, vu ce que la campagne va réserver...

Nous voilà plongés sans tabous dans l'envers d'une campagne électorale, derrière le mur de l'image projetée par les figures politique, télécommandée jusqu'à l'épaisseur de la monture de lunette ou le timbre de voix qui fera vaciller le vote de la ménagère et de l'ouvrier. Les réalisateurs ont la bienveillance d'offrir un point de vue sobre, d'où chacun a la place de se dessiner son propre portrait d'Anthony Weiner. Il n'est donc plus seulement question du gentleman aux selfies-miroir zizi-abdos, mais aussi d'un homme que l'on nous invite à percevoir selon notre propre jugement moral. Est-il malade ? Un affreux pervers, comme le déclarent avec opportunisme le moindre de ses adversaire politique ? Comme si finalement cette histoire de sexto était une aubaine pour tout le monde. La presse y compris.

Dans un pamphlet sur l'échec des médias modernes, le documentaire nous présente une époque du buzz et du clic où le moindre élément de vie privée passe forcément au dessus des véritables enjeux si celui-ci s'avère être un minimum juteux et qu'il gravite autour du zizi ou d'un quelconque autre sujet intime. Ou comment dans l'aboutissement de leur échec, les grands médias en arrivent à offrir bien plus que son quart d'heure de notoriété à une nympho/actrice porno décérébrée en quête d'attention. De quoi rester perplexe.

Une avalanche de platitudes et de jugements vomis par des hordes devenues dangereusement familières aura finalement raison de Weiner. Le pathétique paria, provocateur et sanguin, ne fera qu'empirer constamment la situation dont il essaye de se dégager. Il en deviendra presque tragique de réaliser que les défauts de l'homme se retrouvent presque tous en incompatibilité avec le job qu'il aime et dont il semble être si doué. Sans parler du déni de celui-ci à ne jamais pouvoir s'en rendre compte.

Une spirale de mensonges et de "damage control" forcés et stériles vont pousser notre protagoniste au "fuck it" (avec littéralement un joli ouad destiné à la presse) le plus total dans un dernier acte tout ce qu'il y a de plus jouissif et hallucinant. Une descente dans le "what the fuck" jamais loin de la caricature dressée par les auteurs de la comédie absurde "The Campaign" en 2012. La grande force narrative du documentaire est ainsi, passé la classique fable hollywoodienne du comeback, de nous rythmer la glisse progressive de son sujet, poussé à bout, vers le rejet le plus total du système qui l'a engendré.

Alors qu'importe si Weiner ne sait pas gérer sa libido et qu'il est condamné à sexter des sluts à gros nichons jusqu'à la fin de ses jours. Si c'est un homme inapte en politique pour avoir honteusement trompé la confiance de son épouse avec des dulcinées qu'il n'a jamais rencontrées, alors quid de Bill Clinton ? Ou de notre président à nous ? Comme le dit Weiner avec désillusion pour rassurer son staff le lendemain d'une énième révélation brulante : "No one died".

Ce qui forcément soulève des interrogations sur le futur de la politique s'il suffit de balancer l'historique Google d'un adversaire pour le faire flancher. Des données jugées compromettantes existent surement déjà aujourd'hui sur nos futures figures importantes, certaines ne sachant peut-être même pas encore qu'elles vont un jour évoluer en politique. Cette illustration des médias et de l'air numérique post-Snowden nous fait prendre rapidement conscience que la vie privée de tout à chacun est un concept en plein remodelage qui aurait besoin d'être accompagné d'une sérieuse réévaluation des mœurs collectives. C'est quand le docu parvient à illustrer ce dernier propos qu'il tire, et fait mouche.