Mutafukaz - Long-métrage d'animation (2018)
Long-métrage d'animation de Shōjirō Nishimi et Guillaume Renard (Run) Action, comédie et thriller 1 h 33 min 23 mai 2018
Angelino est un jeune loser parmi tant d’autres à Dark Meat City, une mégalopole sans pitié sous le soleil de Californie. La journée, il livre des pizzas dans tous les recoins de la ville et la nuit, il squatte une chambre d’hôtel minable avec son coloc Vinz et une armada de cafards qui font désormais un peu partie de sa famille. À la suite d’un accident de scooter lorsque son chemin a croisé par inadvertance la divine Luna, une fille aux cheveux noir de jais, notre jeune lascar commence à souffrir de maux de tête et d’étranges hallucinations. Des hallucinations, vous avez dit ? Hmm, peut-être pas… Pourchassé par des hommes en noir, Angelino n’a plus aucun doute : il est pris pour cible. Mais pourquoi lui ?
Le cinéma français n’a pas beaucoup besoin d’être défendu, il se porte plutôt bien ; on n’en dira pas tant de l’animation, qui émerge depuis quelques années avec de jolis projets et commence à se tailler une solide réputation. Un projet comme Mutakukaz est donc à encourager, d’autant plus qu’il conduit le format sur des terres peu investies dans l’hexagone, entre manga et action pour ado (le long métrage est interdit aux moins de douze ans).
La caution célébrité avec le duo Orelsan/Gringe au cast vocal sera certes un tremplin profitable pour le film, mais ne le sert pas forcément au départ pour s’immerger dans son univers et faire connaissance avec ses protagonistes ; les voix des deux lascars sont tellement typées qu’on a du mal à se débloquer de leur série du même nom, surtout lorsque le récit débute sur leur collocation crade de losers miséreux.
Dans un Los Angeles revisité en Dead Meat City, l’univers est volontiers référentiel et décalé : les visuels, assez old school (on est loin de l’image de synthèse en vigueur actuellement) à l’aquarelle, donne vie à une ville tentaculaire en proie au crime et à la décadence, et dans laquelle les saillies de poésie sont à chercher dans l’émergence du surnaturel, des gangstas citant Shakespeare ou un humour un peu potache.
Tout est question de dosage, et sur ce point Run, épaulé par le boss Shōjirō Nishimi, rend une copie exemplaire : une tonalité qui satisfera les exigences d’un public ne voulant pas être pris pour des gosses (un langage châtié, des têtes qui explosent, des yeux gobés par des corneilles…), une belle dynamique dans les scènes d’action (travellings circulaires et ralentis en Matrix style, des références en formes d’easter eggs un peu partout (au hasard d’un freinage d’urgence, par exemple, la marque du pneu se révèle être Bad Year), une convenue mais assez discrète morale sur les valeurs de la bromance et de notre humanité.
Pour que la mayonnaise prenne, rien de tel qu’un liant imparable, celui de la dérision. Mutafukaz se fait plaisir et cherche à le communiquer. Le saupoudrage au WTF est ainsi le bienvenu, par l’intervention de Machos from outerspace, de catcheurs gardiens du monde et exégètes de signes obscurs ou d’une colonie de cafards à la fidélité sans failles.
L’animation n’est pas une limite, elle participe habilement de cette atmosphère décomplexée, allant jusqu’à brandir les grosses et joyeuses ficelles du scénar par des inscriptions à l’écran (« Mais qui sont ces obscurs hommes en noir ? » ou encore « Le cinéma n’a jamais vu un truc pareil ! »), le tout accompagné d’une musique électro tonitruante et fédératrice.
C’est fun, c’est bien troussé, le temps passe aussi vite que ces courses poursuites improbables et ces savates kung-fu. Que demande la France ?