Je vais le dire tout de go, pour moi, Petite Maman est meilleur que les précédents films de sa réalisatrice. Elle ne se perd pas un peu trop dans une succession de scènes qui ont du mal à se raccorder entre elles (il y a eu un mieux tout de même dans Portrait de la jeune fille en feu à ce niveau-là !) ainsi que dans une direction d'acteurs, ou plutôt d'actrices (pour tenir compte de la majorité !), un peu raide, qui se refuse à se laisser aller à l'émotion (il y a un chouïa de ce défaut malgré tout dans cette œuvre, mais je vais y revenir !).

C'est un petit film étonnant ("petit", non pas pour sa qualité artistique, mais pour la modestie de son dispositif ; je vais y revenir aussi !), car s'il y a des thématiques récurrentes chez la cinéaste qui reviennent, comme l'enfance, l'amitié, il y a un élément qui fait pour la première fois irruption dans sa filmographie, à savoir le fantastique. Il y avait déjà un peu d'étrange dans Portrait, mais là, Sciamma pousse le curseur jusqu'au bout. Passé et présent se confonde ici avec un naturel éblouissant. Il n'y a aucune frontière distincte entre les deux. Je n'en dirai pas tellement plus. Je vous laisse le plaisir de la découverte.

Sinon, si on fait abstraction de la séquence d'introduction et d'une autre sur un étang qui arrive vers la toute fin, tout est réduit au minimum. Deux décors, enfin trois, enfin deux, enfin vous verrez, dont un bois, joli à regarder pour ses teintes automnales. Pour les personnages, il y en a seulement cinq. Et cela suffit amplement à faire quelque chose d'assez prenant, dans la mesure que l'on ne sait jamais réellement où on va aller, tout en donnant l'impression que c'est logique, que ça sait où ça se dirige, si on accepte, sans se poser de questions (comme le font les protagonistes !), l'irruption du fantastique.

Pour la distribution, si les deux très jeunes actrices jumelles principales n'articulent pas bien quelquefois, s'il y a encore un peu de la raideur inhérente à Sciamma, elles touchent totalement par leur pétillant et leur énergie. D'autant plus que la metteuse en scène ajoute avec délicatesse un ingrédient qu'elle n'avait jamais utilisé jusque-là, à savoir l'humour. C'est tout à fait bienvenu. On le retrouve notamment quand les deux petites filles jouent aux adultes. Et il y a un soupçon de tendresse qui amoindrit encore plus la raideur quand la mère du présent se laisse aller à se comporter comme une enfant.

Voilà donc pourquoi, selon mon humble avis, Petite Maman est particulièrement une réussite dans l'œuvre de Céline Sciamma et voilà donc aussi pourquoi, je vous recommande, que vous soyez fan ou non de cette dernière, de visionner ce film.