Variation moderne de l'oeuvre d'Ingmar Berman qui en reprend d'ailleurs le format originel de mini-série, "Scenes from a marriage" nous plonge dans l'intimité d'un couple ayant de plus en plus de mal à faire face à ses propres failles trop longtemps tues.nDès le premier épisode, utilisant le prétexte de questions d'une étudiante sur l'engagement des couples hétérosexuels mariés, il apparaît très vite à travers les réponses de Mira, épouse dévouée à son travail, et de Jonathan, chercheur en philosophie se consacrant à son rôle de père au foyer, que les aspirations du couple ne sont pas/plus sur la même longueur d'onde. S'ils parviennent encore à contenir les non-dits dévastateurs jusque-là, une décision va cependant venir précipiter leur chute, un choix sur lequel va se cristalliser toutes leurs fragilités respectives et dont, cette fois, ils ne parviendront pas à refouler l'ampleur ou à en cicatriser. La séparation sera inéluctable et ce sera Mira qui fera le premier pas dans cette direction par opposition à l'oeuvre originale.nÀ partir de là, "Scenes from a marriage" va suivre pendant plusieurs années (5 ans a priori) l'évolution de Mira et Jonathan, les retrouvant à des étapes de ce processus qui les ramène sans cesse dans les bras de l'un de l'autre pour s'aimer et se blesser à nouveau, sans que l'on sache comme eux, s'il existe encore une forme d'harmonie possible pour que ce couple puisse malgré tout perdurer dans l'adversité. Forcément, ce genre d'exercice à la limite de la proposition théâtrale aura ses réfractaires, la plupart des épisodes se résumant à de longues phases d'échanges dans le huis-clos intime du foyer, mais ceux qui y adhèreront ne pourront être qu'à chaque fois bluffés par ces instantanés de vérité jaillissant de ce couple poussé toujours un peu plus dans les retranchements de son vécu et de l'inconnu de l'avenir. Grâce à lui, la série explore remarquablement toutes les composantes de la vie conjugale que Mira et Jonathan n'arrivent plus à juguler de manière commune, les mettant tour à tour devant leurs contradictions dans un cycle de désirs et répulsions qui ne semble trouver aucune issue susceptible de les satisfaire de façon égale.nLe point culminant de "Scenes from a marriage" est sans doute son épisode 4 en forme de confrontation forcée par les événements, où les sentiments de Mira et Jonathan n'ont jamais été aussi exacerbés, libérant ainsi les vannes d'une parole plus directe qui va passer en revue -et à rebours- toutes les plaies encore ouvertes de leur passif par l'intermédiaire d'une kyrielle de dialogues brillants et d'un rapport de forces en perpétuel mouvement. Derrière, le cinquième épisode sera chargé de nous laisser entrevoir la manière dont la violence de cette catharsis conjugale a porté ses fruits (et il le fera encore une fois avec un certain génie) tout en rendant en son sein même un superbe hommage à ses deux fabuleux comédiens principaux sans qui "Scenes from a marriage" ne serait pas ce qu'elle est.nAmis de très longue date, Jessica Chastain et Oscar Isaac ne voulaient en effet pas faire la série l'un sans l'autre, on les comprend, ils y ont apporté toute la force de leurs talents respectifs et de leur amitié pour en faire un élément indissociable de sa réussite. On est prêt à parier que leurs prestations les amènera sur les tapis des plus prestigieuses cérémonies, ce sera aussi probablement le cas pour Hagai Levi (créateur de "BeTipul", à l'origine de "En Thérapie", et de "The Affair") afin de récompenser sa qualité de plume décidément impressionnante.